Durant 4 semaines réparties tout au long de la saison, les danseurs et danseuses d'Extensions ont travaillé avec notre artiste associée Hélène Iratchet sur une création sur-mesure. Ils et elles ont tenté une réponse à l'interrogation suivante : à quelles questions, à quels problèmes viendrait répondre une danse abstraite ?
Ayant chorégraphié ces dernières années des pièces qui laissaient la part belle au texte, aux dialogues, à la fiction, au collage et à l'humour un fantasme m'est apparu, tenace et obsédant au point de vouloir le réaliser : chorégraphier avec et pour les extenseureuses ma première pièce de danse abstraite.
À quelles questions, à quels problèmes viendrait répondre une danse abstraite ? L'abstraction existe-t-elle ? Quelle idée en ai-je, qui parviendrait à apaiser une intranquillité manifeste ou plutôt assouvir un désir de maîtrise et d'ordre momentané en réponse au plus en plus manifeste chaos de notre époque ?
Concevoir et faire danser des corps selon une partition rigoureuse, mathématique et selon des principes par exemple d'accumulation, de réaction en chaine, de rapport étroit avec une musique, ne permettrait-il pas de gommer les singularités des danseureuses ? Cela est-il désirable ? La tentation de l'abstraction est-elle un fantasme de sérieux ?
Dessiner des costumes qui dissimuleraient les différences des corps et des visages génèreraient-il une capacité d'empathie plus grande ? La création de motifs est-elle nécessaire pour rassurer les spectateurs ? Fractionner le corps permet-il d'éviter les questions de société ? Ne s'exprimer qu'avec un vocabulaire chorégraphique et non verbal offre-il de voir une autre humanité, plus poétique, harmonieuse ?
Autant de questions que j'aimerais poser sous la forme d'un abécédaire, un Abécédaire de l'abstraction parce que dans un abécédaire, chaque lettre est illustrée par seulement un mot (ici une danse) ou par quelques mots (quelques danses), il faudra donc opérer des choix cruciaux. Le côté arbitraire de ces choix rend chaque abécédaire unique. L'abécédaire sert aussi souvent de prétexte à un illustrateur pour laisser aller sa créativité.
Je propose donc ce cadre alphabétique et créatif comme premier élément structurant la pensée et la conception d'une danse abstraite à venir. Une danse abstraite de 2025.
Ce fantasme mis en partage et ce format nous permettront de revisiter une certaine histoire de la danse et de l'art que nous essaierons d'appréhender en lien étroit avec ce qui nous habite aujourd'hui les unes et les autres.
Hélène Iratchet juin 2024
Conception, chorégraphie : Hélène Iratchet
Avec les danseurs et danseuses d'Extensions